Les fonctions-support, tout le monde râle contre elles, mais sans elles, c’est le chaos. Ressources humaines, comptabilité, finance, achats, DSI… autant de services souvent perçus comme des boulets qui ralentissent le business, alors qu’en réalité, ce sont eux qui le maintiennent debout. Et la crise du Covid a bien remis les pendules à l’heure… Le point sur le sujet avec Nicolas Bianciotto !
Des fonctions critiquées, mais essentielles
Pendant des mois de confinement et de télétravail forcé, qui a assuré la continuité de l’activité ? Qui a fait en sorte que les salaires tombent à la fin du mois, que les fournisseurs soient payés et que les outils numériques tiennent le choc ? Les fonctions-support ! Sans elles, impossible de gérer la masse de paperasse administrative, les contraintes légales ou encore la logistique du travail à distance.
Seulement voilà, malgré leur rôle clé, ces métiers restent perçus comme des « coûts » et non comme des contributeurs à la performance de l’entreprise. Les RH sont vues comme des bureaucrates tatillons qui imposent des règles, la DSI comme un service qui met six mois à livrer un nouvel outil, et les comptables comme des pinailleurs obsédés par les chiffres. Bref, ce ne sont pas eux qui « font tourner le business », du moins selon la vision dominante dans beaucoup d’entreprises.
Le diktat du « cost killing »
Depuis les années 80, les entreprises cherchent à réduire leurs coûts, et devinez qui est toujours en première ligne des coupes budgétaires ? Les fonctions-support. Elles ont pourtant déjà encaissé des vagues de restructurations, avec l’arrivée des ERP, des logiciels de gestion intégrés, puis des fameuses « mutualisations » et autres externalisations.
Les grands classiques du « cost killing » ? Pêle-mêle : les centres de services partagés (CSP), le transfert des tâches aux managers, l’externalisation, la multiplication des logiciels « miracles »… On nous vend toujours ces transformations comme des avancées, mais au final, les salariés des fonctions-support se retrouvent dans des « usines à processus », déshumanisées, où ils passent leur journée à cliquer sur des boutons sans pouvoir exercer leur expertise.
Des décisions souvent absurdes et précipitées
Le problème, c’est que ces réorganisations sont souvent menées à la va-vite, sans prendre le temps d’analyser les besoins réels. Le top management décide d’un grand chambardement, missionne un cabinet de conseil (qui facture un chiffre astronomique), et impose la solution sans concertation. Les salariés concernés, eux, doivent juste « faire avec ». On leur vend le fameux « accompagnement du changement », qui se résume à des formations express et des séminaires PowerPoint. Mais dans les faits, tout va trop vite :
- Les outils ne sont pas toujours prêts : combien de logiciels « révolutionnaires » se révèlent être des usines à gaz inutilisables ?
- Les ratios de productivité sont irréalistes : on estime le nombre de dossiers qu’un salarié peut traiter, sans prendre en compte les imprévus ni la complexité des cas réels ;
- Les retours d’expérience sont rares : une fois la réorganisation lancée, pas question de faire marche arrière, même si ça ne marche pas.
Résultat : des équipes sous pression, un manque de clarté dans les responsabilités et une dégradation de la qualité du travail.
Le risque du burn-out et de la démotivation
A force d’être perçues comme des variables d’ajustement, les fonctions-support finissent par tourner en rond dans un cycle infernal de réorganisations permanentes. Aujourd’hui, on est en train de pousser ces métiers dans une forme de précarité durable, où personne ne sait si son poste existera encore dans six mois. Et forcément, ça finit par peser : des salariés démotivés qui ne voient plus de sens à leur travail, des compétences sous-estimées (alors que ces métiers demandent une vraie expertise), des difficultés à recruter et fidéliser les talents (car qui voudrait s’engager dans un secteur où l’avenir est toujours incertain ?)…
Il est donc temps de changer de regard. Les fonctions-support ne sont pas des « poids morts ». Elles sont essentielles au bon fonctionnement de l’entreprise. Ce ne sont pas juste des centres de coûts, mais des contributeurs à la performance globale. Si l’on veut vraiment les rendre plus efficaces, ce n’est pas en supprimant des postes ou en empilant des logiciels mal ficelés qu’on y arrivera. Il faudrait au contraire leur donner des moyens, stabiliser les organisations et reconnaître leur rôle stratégique.